Construire une entreprise, c’est d’abord créer de la valeur, en tirer des revenus et ensuite trouver des ressources pour financer son passage à l’échelle.
Construire une entreprise, pas une machinerie financière.
Le modèle économique de la Start-up est un élément fondamental et malheureusement on à tendance à le négliger lorsqu’on lance son projet. On se concentre à juste titre sur le “gros” problème qu’on est en train de résoudre et sur la solution “extraordinaire” qu’on est en train de construire, mais on occulte toujours à tort la question du modèle.
Cependant, si il y a quelques années on pouvait s’en passer (et encore) il est aujourd’hui un prérequis dans la stratégie de développement du projet. Plus généralement, il est nécessaire de penser dés le départ à la manière dont on souhaite financer le projet pour construire une entreprise. Il existe pour cela 2 options : le bootstrapping et la levée de fond.
Dans les deux cas, même si on ne peu pas déployer dés le premier jour le modèle d’affaires, il faut prévoir dans son développement d’enchaîner différents modèles d’affaires successifs (intégrant y compris des revenus d’opportunité),
c’est ce qu’on appelle avoir une stratégie de « business revenue ».
Même si on lève des fonds, il existe très peu (et à encore moins en France) de sociétés qui arrivent à se financer uniquement sur une croissance du nombre d’utilisateurs. Et le risque pour celles qui essaient malgré tout de le faire, c’est de perdre de vue l’exécution du projet pour se transformer en machine à se faire financer.
Cette tendance est un biais introduit par les médias qui célèbrent les levées de fond spectaculaires de plusieurs centaine de milliers voire de millions les levées de fonds réalisées par les Startups. Or la réalité d’une levée de fond est beaucoup moins glamour. Lorsqu’on de fait prêter de l’argent, perd en liberté, on change la manière de prendre ses décisions. Et si cet argent est pris pour de mauvaises raisons, ces décisions ne peuvent que mener à l’échec du projet.
Il faut par ailleurs être bien conscient du fait que tout argent levé ou obtenu de l’extérieur nécessite un effort. Et la plus part du temps cet effort c’est du temps, de la perte de focus sur l’exécution. Il est alors dépensé à rédiger des dossier, préparer des présentation, rédiger un business plan, etc. L’avantage de mettre en place la stratégie de « business revenue » mentionnée précédemment est qu’on peu alors projeter l’impact qu’aura (et pas seulement à court terme) cette perte de focus dans l’exécution, et donc sur le CA, pour le comparer avec le montant que l’on souhaite obtenir. On voit tout de suite si il est pertinent ou non.
Attention, le propos ici n’est pas de dire que lever des fonds est inutile. Il faut simplement le faire lorsqu’on est dans une position favorable. Et finalement le nombre de Startups (en amorçage) qui lèvent dans des conditions idéales est assez faible. C’est d’ailleurs pour cela qu’il n’est en fait pas si difficile de trouver un financement 🎼. Il faut bien comprendre ce qu’attendent chacun des financeurs types et adapter son business plan de manière crédible pour les convaincre. Et comme c’est souvent une question de vie ou de mort pour la société, la plus part des entrepreneurs font cela. C’est alors exactement à ce moment précis, si une stratégie de « business revenue » n’a pas été envisagée, que la plus part des entrepreneurs perdent leur vision et commencent à « dévisser ».
Dans quels cas demander ou accepter de l’argent peu faire perdre du temps ?
Les aides publiques, le CIR et le statut JEI
Un grand nombre d’aides publiques qui aident à « construire une entreprise » sont allouées au développement économique dans les régions et sont particulièrement fléchées (en ce moment) vers les Startups. La raison évidemment c’est qu’elles génèrent des emplois, font rayonner le territoire, attirent les talents et lorsqu’elles réussissent, font de beaux résultats et payent plein de taxes 💸. Ces aides prennent principalement trois formes :
- les subventions : Elles sont souvent attribués aux projets en phase de démarrage (anté-création). Les dossiers ne sont pas trop lourds (#1 semaine de perte de focus), mais les montants ne sont pas non plus très élevés : généralement entre 10k et 30k. Elles sont souvent un bon tremplin pour donner de l’élan au projet et créer les relations avec les institutionnels qu’il sera nécessaires d’avoir à ses côté pour faire d’éventuels effets de leviers sur les financements futurs. Le déblocage des fonds peu prendre du temps sur ce type d’aides, on peu donc en solliciter une au début du projet en considérant cet apport comme un bonus qui upgrade notre stratégie et non pas comme une ressource stratégique.
- Les aides : Il s’agit souvent d’avances remboursables à moyen ou long terme qui s’appuient sur des fonds européens et/ou co-financés par la région et BPI. Leur montant est généralement proportionnel aux fonds propres de la Startup. Il est donc quasiment nécessaire de lever des fonds d’amorçages pour en bénéficier. Elles financent généralement une partie (souvent la moitié) d’un plan R&D sur une ou 2 années qui inclue évidemment le salaire des développeurs. Une partie de l’argent est débloqué immédiatement (environ 70% en général) et le reste à l’atteinte des objectif.
La construction du dossier est assez pointue (des société de services se sont même spécialisées pour nous aider à les rédiger !). Après soumission, le dossier est audité par des organismes spécialisés dans l’innovation et souvent soumis à une présentation devant un jury. La perte de focus est alors d’un ou plusieurs mois et la récupération des fonds peu prendre plusieurs semaines. Une fois les fonds récupérés, ce n’est pas fini. Les contraintes d’attribution du soldes sont variables, mais en général on ne peu débloquer l’argent qu’à l’atteinte des objectifs du plan de développement du plan R&D déclaré. Si on compte bien, on obtient ce solde lorsqu’on on a finalement dépensé plus du double du montant prêté (et oui environ 130%, vu que ce solde n’est pas encore débloqué) et dû faire faire son avance en trésorerie. Pour finir, on doit évidemment respecter les engagement pris dans le plan développement R&D, ce qui évidemment à très peu de chance de se concrétiser, mais pose une pression supplémentaire lorsqu’il faut expliquer les écarts et ajuster la queue de budget. - Le statut JEI et le CIR : Ce sont des passages obligés pour les Startups, et la réduction de charges et les remboursements associées à ces dispositifs sont importants. Comme c’est de l’argent remboursé qu’on payerait de toute façon, il faut faire les démarches pour l’obtenir, mais attention ce n’est pas non plus de l’argent gratuit. Il impose de réaliser un reporting rigoureux des dépenses liées à l’innovation et ces dépenses doivent elles aussi être associé à un programme de R&D planifié à 2 -3ans. En plus des mêmes sociétés spécialisées qui vous aident dans les démarches d’obtention, il existe carrément des logiciels pour gérer son CIR.
BA, friends and family.
Lorsqu’on lance son projet, on est souvent accompagnés par des structures d’aide à la création d’entreprises qui nous aident à construire une entreprise, à en définir le modèle et à rédiger un premier Business Plan.
Voila ce qu’il se passe : on doit répondre aux exigences de l’exercice et, première étape, on commence par remplir les cases de ses objectifs de CA. Pour cela, on se demande combien de revenus on veut générer à 2-3 ans. En général il faut être un peu ambitieux alors on part pour 3-4 millions, puis on bidouille une croissance exponentielle qui sorte bien sur les graphiques. On obtient ainsi ses objectifs sur les prochains mois (qui sont généralement atteignables, tant qu’à faire). On réfléchis ensuite à une stratégie de distribution à base de « Bouche à Oreille » de SEO, de SMO, de CM, etc… qu’on ne pourra débuter lorsqu’on aura les fonds…
Le problème c’est que comme atteints les objectifs fixés sur les premiers mois, on oublie assez vite comment on les a construit… au doit mouillé ! On fini même par se convaincre que le modèle va forcément fonctionner comme prévu, dés qu’on aura de l’argent. C’est donc de bonne foie, avec ce magnifique plan d’affaire estampillé par les structures accompagnantes qu’on va convaincre des BA, des proches, ou même sa famille d’investir dans sa société, promettant d’obtenir sur un ROI incroyable dans 5 ans, modulo le risque que représente l’investissement dans une Start-up, bla bla… Résultat entre le temps passé à créer, rédiger, mettre en forme le BP et organiser un tour de table, la perte de focus est considérable (+- 6 mois) et il existe un vrai risque de prendre une très mauvaise décision/attitude dans l’exécution du projet.
Attention la création de BP est (encore, quoi que…) nécessaire car c’est un outil de communication. Cependant, la gestion financière de l’amorçage et la la construction de sa levée doit, selon moi, se faire par budget, sur des périodes courtes, validant ou invalidant des hypothèses sur les revenus générés sa stratégie de « business revenue ». C’est à ce moment là qu’on reçoit en général des propositions d’investissement sans les avoir sollicité.
Les accélérateurs, les fonds d’amorçage et de développement.
Ils faut bien se rendre compte de la Startup est une ressource pour ces fonds. Ils sont eux mêmes clients de financeurs à qui ils promettent une rentabilité dans les 5 à 8 ans. Si leur intérêt est aligné avec le succès de la Startup, au final dans leur sélection ils essaient au maximum quoi qu’ils en disent de limiter les risques. C’est leur job.
Ils investissent ainsi souvent sur des Startups en croissance, qui ont déjà validé leurs Product Market Fit, qui réalisent un CA conséquent (idéalement qui ont un résultat net positif), qui ont trouvé des canaux de distributions solides, qui disposent de propriété intellectuelle (brevets) ou d’avantages concurrentiels forts (les « unfairs advandages ») et qui affichent au minimum un ratio de x5 sur leur EBITDA à 5 an. Ils cherchent au maximum à sécuriser la plus-value qu’ils réaliseront et à prévoir leur opération de sortie. Bref, il est assez facile du “reverse engineering”’ sur les critères nécessaires pour être financé et de trouver des solutions pour y répondre. Le problème c’est encore une fois qu’en faisant cela, on perd de vue son exécution et on construit sa stratégie sur des objectifs qui ne sont pas les siens.
A l’inverse, si on itère correctement sur son produit, qu’on apprend rapidement quels sont canaux qui fonctionnent, leur potentiel de CA et leur durée de vie, qu’on construit son modèle progressivement pour supporter un passage à l’échelle et qu’on a une vision claire de son schéma de croissance, de la même manière que pour l’amorçage, ce sont les investisseurs qui se mettront en concurrence pour associer leur capital à notre développement. C’est leur job 😊.
Si vous avez déjà levé des fonds, dans quelles conditions vous trouviez-vous ? Quel fut impact sur l’exécution de votre projet ?